Cet été, le musée d'Orsay a consacré une rétrospective à Aristide Maillol (1861-1944), peintre, graveur et sculpteur français. Une grande partie des oeuvres exposées provenaient de la Fondation Dina Vierny-musée Maillol qui se trouve à Paris. Je ne l'ai jamais visité. Cette exposition fut donc une vraie découverte. Si vous êtes dans la région de Roubaix, vous pourrez voir cette exposition au printemps 2023 à la Piscine de Roubaix. Si vous êtes en voyage à Zürich, l'exposition se tient au Kunsthaus jusqu'à fin Janvier.
Sinon, voici un résumé de l'exposition d'après les panneaux explicatifs, accompagné des oeuvres représentatives.
Maillol arrive à Paris en 1882. Il étudie dans l'atelier d'Alexandre Cabanel (1823-1889), puis dans celui de Jean-Paul Laurens (1838-1921). En 1885, il intègre l'Ecole des Beaux-Arts. Sa première oeuvre connue est un Autoportrait de 1884. Puis en 1889, il s'illustre avec le tableau Couronne de fleurs. Vers 1890, la carrière de Maillol prend un nouvel essor grâce aux commandes du sculpteur Gabriel Faraill (1837-1892). Il peint ses filles de profil, souvent coiffées de chapeaux extravagants, cadrées aux épaules et parfois en pied par goût des grands formats.
Aristide Maillol, Autoportrait (1884), huile sur toile. Paris, fondation Dina Vierny - musée Maillol.
Aristide Maillol, La Couronne de fleurs, première version (vers 1888-1889), huile sur toile. Copenhague, Ny Carlsberg Glyptotek.
Aristide Maillol, Profil de jeune fille , portrait de Mademoiselle Faraill ? (vers 1890), huile sur toile. Perpignan, musée d'art Hyacinthe Rigaud.
Aristide Maillol, L'enfant couronné (vers 1890-1892), huile sur toile. Paris, fondation Dina Vierny - musée Maillol.
Aristide Maillol, Maternité, portrait de Clotilde Maillol, épouse de l'artiste, avec leur fils Lucien (fin 1896-début 1897), huile sur carton. Collection particulière.
Aristide Maillol, Autoportrait (vers 1898), encre de Chine sur papier bleu-gris. Paris, fondation Dina-Vierny - musée Maillol.
Comme beaucoup de ses contemporains, Maillol s'intéresse à la matière. Cette curiosité le conduit à explorer plusieurs disciplines dans les années 1890, à commencer par la broderie. Sa tapisserie Concert de femmes est remarquée par les Nabis en 1895. Grâce à Edouard Vuillard (1868-1940), Maillol fait la connaissance de la princesse Hélène Bibesco (1855-1902), son premier mécène, qui l'encourage à continuer. Il produit des tentures murales et des garnitures de sièges.
Tout en surveillant les ouvrières chargée de l'exécution de broderies, Maillol taille ses premiers bois et s'essaie à la céramique. En 1899, il est nommé sociétaire de la Société nationale des beaux-arts dans la section Objets d'art. Le plaisir de tailler du bois et modeler des statuettes l'encourage à se tourner vers la sculpture.
Aristide Mailllol, Concert de femmes (1895), broderie à l'aiguille, laine, soie, lin, fils d'argent et d'or historique. Copenhague, Design Museum.
Aristide Maillol, La Princesse Bibesco (vers 1895), fusain, crayon noir sur papier Boucher. Collection particulière.
Aristide Maillol, Le Jardin (1899), broderie à l'aiguille, laine avec application de fils de métal, de soie et de coton sur toile de lin historique. Collection particulière.
Aristide Maillol, La Nymphe ; danseuse à l'écharpe (vers 1900-1902), garnitures de tabouret, broderie au point, laine historique. Collection particulière.
Aristide Maillol, Femme à la mandoline (vers 1895), bois. Paris, fondation Dina-Vierny - musée Maillol.
Aristide Maillol, Figure drapée dit aussi Chinoise (vers 1894-1895), tilleul, chêne. Paris, galerie Dina Vierny.
Aristide Maillol, Fontaine (vers 1900-1902), terre vernissée sur support de bois. Paris, Fondation Dina Vierny - musée Maillol.
Vers 1895, Maillol s'intéresse aux thèmes des lavandières et baigneuses. Il est sans doute marqué par l'art de Paul Gauguin (1848-1903) découvert vers 1889. La facilité avec laquelle Gauguin passe d'une discipline à l'autre a montré une voie possible à Maillol. De 1895 à 1904, il pratique en simultanée la peinture, la broderie, l'estampe et la sculpture.
Paul Gaugin, Les Laveuses suite Volpini (1889), zincographie. Paris, bibliothèque de l'Institut National de l'Art, collections Jacques Doucet.
Aristide Maillol, Baigneuse en mer (vers 1894), gravure sur bois sur papier. Paris, bibliothèque de l'Institut National d'Histoire de l'Art, collections Jacques Doucet.
Aristide Maillol, Jeune femme accroupie se coiffant / La Source (vers 1896-1897), terre cuite vernissée. Paris, galerie Dina Vierny.
Aristide Maillol, Corydon se mirant dans l'eau illustration pour les Eglogues (1912-1914), gravure sur bois sur papier tirage à l'encre rouge. Paris, Fondation Dina Vierny -musée Maillol.
Sa compagne, et bientôt épouse, Clotilde lui sert de modèle pour ce motif représenté sous diverses formes. D'abord dessiné au fusain, le carton servira ensuite de référence à Clotilde pour exécuter un écran de cheminée en broderie. Puis Maillol, réalisera un relief de grandes dimensions en plâtre qui fut exposé en 1903 au Salon de la Société des Beaux Arts.
Aristide Maillol, Femme à la vague (1895-1896), fusain sur papier marouflé sur toile. Collection particulière.
Aristide Maillol, Femme à la vague écran de cheminée (1896), broderie à l'aiguille. Paris, Fondation Dina Vierny - musée Maillol.
Méditerranée
Vers 1900, Maillol s'attaque à des statues de grandeur nature. Le collectionneur et mécène Harry Kessler (1868-1937) lui commande en 1904, une statue en pierre de femme assise. Il faudra attendre les années 20 pour que l'Etat français lui en commande une version en marbre qu'il nomme Méditerranée : "Mon idée, en la sculptant, était de créer une figure jeune, pure, lumineuse et noble... Mais, tout cela, n'est-ce pas "l'esprit méditerranéen"?"
Aristide Maillol, Femme nue assise, dit aussi Etude pour Méditerranée (1900-1904), terre crue. Collection particulière. / Femme assise dit aussi Méditerranée, plâtre. Collection particulière.
Les Nabis et les baigneuses
Maillol rencontre vers 1893 le groupe des Nabis. En mai 1902, un exemplaire de sa Léda est présentée à la Galerie Bernheim au milieu de peintures de Bonnard, Vuillard, Denis, Roussel. En 1903, Maillol s'installe à Marly-le-Roi pour se rapprocher de ses amis. Maillol rencontre le marchand Ambroise Vollard (1866-1939) qui l'encourage dans la voie de la sculpture. Il organise en 1902 sa première exposition personnelle et signe avec lui un contrat pour l'édition de ses statuettes. Maillol continue à travailler le bois. Il modèle principalement des baigneuses.
Edouard Vuillard, Nature morte avec Léda (vers 1902), huile sur carton. Aardenhout, Pays-Bas, April in Paris Fine Arts.
Aristide Maillol, Marthe Denis , buste (vers 1903-1904), terre cuite restaurée par Maurice Denis. Collection particulière.
Aristide Maillol, Jeune fille assise se voilant les yeux, dit aussi Pudeur (vers 1897-1900), terre cuite vernissée. Otterlo, Kröller-Müller Museum.
Aristide Maillol, Baigneuse debout (vers 1897-1900), bois. Amsterdam, Stedeljik Museum Amsterdam. / Baigneuse debout (vers 1901), bois de buis. Winterthur, Sammlung Oskar Reinhart "Am Römerholz".
Aristide Maillol, Baigneuse debout, dit aussi Baigneuse Rodin (vers 1900-1902), fonte. Paris, musée Rodin.
Aristide Maillol, Retenant son voile, dit aussi Baigneuse debout (vers 1900-1902), terre cuite, rehauts polychromes. Collection particulière.
Né et élevé à Banyuls-sur-Mer, Maillol y revient chaque hiver. Ses amis nabis lui rendent visite. A Banyuls, Maillol habite la Maison rose de son grand-père. En 1894, il y installe son atelier de brodeuses et y réalise ses premières sculptures. Il dessine les femmes et jeunes filles de son entourage dans leur quotidien.
Aristide Maillol, Femme nue au pied d'un arbre (1895), graphite sur papier, collé au dos d'une estampe japonaise. Collection particulière.
Aristide Maillol, Vierge à l'enfant entourée de deux anges (1898), relief, terre cuite vernissée. Paris, Fondation Dina Vierny - musée Maillol.
Edouard Vuillard, Aristide Maillol, série des Anabaptistes (1935-1937), huile sur toile, peinture à la colle. Paris, Musée d'Art Moderne.
Harry Kessler, Ambroise Vollard, Maurice Denis et Henry Van de Velde (1863-1957) assurent le rayonnement de Maillol à l'étranger. En 1906, le salon de musique de Kurt von Mutzenbecher, directeur de théâtre à Wiesbaden, est décoré, ainsi que l'appartement de Kessler à Weimar, par Maurice Denis et Maillol, sous la direction d'Henry Van de Velde.
En 1914, Kessler conseille à Maillol d'enterrer ses statues devant l'avancée des troupes allemandes. Maillol est accusé de complicité avec l'ennemi mais innocenté grâce à l'appui de Georges Clémenceau. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, Maillol accueille des soldats allemands à Banyuls. En 1942, il se rend à l'inauguration de l'exposition consacrée au sculpteur hitlérien Arno Breker (1900-1991) à Paris. Il profite de l'occasion pour franchir la ligne de démarcation et revoir son atelier de Marly. Cet épisode entache durablement sa réputation.
Sa sculpture le Désir a été rendue par l'Allemagne après la Seconde Guerre Mondiale et deux statuettes proviennent de la collection d'Henry Van de Velde.
Aristide Maillol, Jeune fille debout, dit aussi Petite Flore (avant 1902), bois. Essen, Museum Folkwang.
Aristide Maillol, Les Deux Lutteuses (avant 1905), terre cuite vernissée. Otterlo, Kröller-Müller Museum.
Aristide Maillol, Jeune fille assise sur ses talons (1905-1906), plâtre patiné noir. Otterlo, Kröller-Müller Museum.
En 1905, Maillol reçoit sa première commande de monument public grâce à Octave Mirbeau et Rodin. Maillol conçoit L'Action enchaînée pour rendre hommage au révolutionnaire Auguste Blanqui. Première d'une longue série de monuments à des grands hommes, Maillol compose des figures féminines allégoriques et non des portraits.
Aristide Maillol, Monument à Debussy, esquisse (1930), terre cuite d'édition. Paris, musée des Arts décoratifs.
Aristide Maillol, La Musique monument à Claude Debussy (1930-1933), marbre. Saint-Germain-en-Laye, musée municipal.
Maillol continue de concevoir des statues pour des jardins et des intérieurs. De 1909 à 1912, Il conçoit quatre figures de Saisons (Pomone, Flore, Eté et Printemps) pour le salon de musique du collectionneur Ivan Morozov (1871-1921) à Moscou.
Aristide Maillol, L'Eté (1911), bronze. Winterthur, villa Flora, Hahnloser/Jäggli Stiftung (jardin).
En 1913, il bénéficie de sa première exposition personnelle à l'étranger, au cercle artistique de Rotterdam et participe à l'Armory Show de New-York et Chicago grâce à des envois de son galeriste Eugène Druet (1867-1916). Après la Première Guerre Mondiale, Maillol produit de nombreuses figures féminines nues debout : Ile-de-France et Vénus.
Aristide Maillol, Torse de l'Île-de-France (vers 1920-1921), bronze. New-York, The Metropolitan Museum of Art.
Aristide Maillol, Ile-de-France dit aussi La jeune fille qui marche sur l'eau (1925-1933), pierre. Roubaix, musée d'Art et d'Industrie, la Piscine.
Aristide Maillo, Deux femmes nues, l'une de face, l'autre de dos (vers 1937), fusain, rehauts de blanc sur papier crème. Paris, musée d'Orsay.
En 1906, à la suite du décès du peintre Paul Cézanne, le projet d'ériger un monument en son honneur à Aix-en-Provence se fait connaître. Maillol s'impose dès le début pour le réaliser.Comme pour l'Action enchaînée. Maillol choisit de glorifier le peintre par une allégorie féminine. Le monument à Cézanne sert durablement d'inspiration à Maillol. L'allégorie de l'Air en est issue.
Aristide Maillol, Etude pour le Monument à Cézanne(vers 1912), terre cuite d'édition. Paris, galerie Dina Vierny.
Maillol rencontre Clotilde Narcis en 1894. Ils se marièrent l'année suivante. Clotilde lui permet de disposer en permanence d'un modèle : "je relève les jupes de ma femme et je trouve un bloc de marbre". Maillol aime les corps denses, les jambes solides, les formes développées : "La sculpture est un art masculin, il faut qu'elle soit forte, sans ça, ça n'est rien".
Maillol dessine Clotilde de 1895 à 1907. Elle pose pour ses premières sculptures monumentales : La Nuit, l'Action enchaînée, Méditerranée. Elle est saisie dans son intimité par des dessins rapides qui saississent une attitude.
Aristide Maillol, Clotilde Narcis (hiver 1894), huile et crayon sur toile. Paris, Fondation Dina Vierny - musée Maillol.
Aristide Maillol, Femme au crabe (vers 1904), bronze. Poitiers, musées de Poitiers. / Aristide Maillol, Femme se tenant les deux pieds (1905), bronze. Collection particulière.
Avec le temps, Clotilde pose de moins en moins. Dès 1900, Maillol fait appel à d'autres modèles. Il prend aussi l'habitude de faire poser ses domestiques. En 1907, il fait poser quelques modèles masculins qui pour Maillol demande moins de travail : "Une fois que j'aurai commencé, je ne ferai plus que des hommes, c'est bien plus facile. Chez un homme, il y a toujours quelque chose, un muscle, où se rattraper. Chez les femmes, il n'y a rien, pas de formes, il faut tout inventer, excepté quand elles sont très bien faites, mais c'est rare."
Aristide Maillol, Le Dos de Thérèse (vers 1920), fusain sur papier à la forme filigrané. Paris, Fondation Dina Vierny - musée Maillol.
Aristide Maillol, L'Américaine ( vers 1930), fusain, pastel, crayon et sanguine sur papier à la forme. Paris, Fondation Dina Vierny - musée Maillol.
La rencontre avec la jeune Dina Aïbinder fut une révélation. Dina inspire Maillol pour des peintures et pose pour La Montagne, La Rivière puis à Banyuls entre 1940 et 1944 pour son testament artistique, Harmonie. La jeune femme s'est fait arrêter plusieurs fois pendant la guerre. Maillol parvient à la faire libérer. Comme un père, Maillol a craint pour la vie de son modèle : "Dina, c'est comme ma fille. Je suis heureux d'avoir pu la sauver." Lorsque Dina part pour la Libération de Paris, Maillol est très isolé. Il meurt des suites d'un accident de voiture. Dina fera de la glorification de Maillol le combat de sa vie.
Aristide Maillol, Dina posant pour la Rivière (1938), pastel, fusain, craie sur papier d'emballage marouflé. Collection particulière.
Aristide Maillol, La Rivière (1938-1943), plâtre de fonderie. Paris, Fondation Dina Vierny - musée Maillol.
Aristide Maillol, Etude pour Harmonie (1940-1944), bronze. Collection particulière, courtesy galerie Dina Vierny.
Le catalogue de l'exposition : "Aristide Maillol (1861-1944) : la quête de l'harmonie", Ed. Gallimard, 2022, (352p.), est un très gros livre de format A4, imprimé sur du papier glacé. On retrouve une grande partie des oeuvres exposées, accompagnées d'illustrations.