Cette année, le musée des Beaux-Arts d'Orléans organisait la première rétrospective du peintre orléanais : Jean Bardin (1732-1809). Orléans, lui doit la naissance de l'Ecole gratuite de dessin et du musée. On découvre la carrière de ce peintre, à travers un parcours chronologique. Je vous fais un résumé de l'exposition d'après les panneaux explicatifs et illustré des oeuvres représentatives.
A 24 ans, Jean Bardin s'oriente vers la peinture. Il quitte la Côte d'Or pour aller à Paris. En 1755, il entre dans l'atelier de Louis Lagrenée (1725-1805), puis en 1760, dans celui de Jean-Baptiste-Marie Pierre (1714-1769).
Jean-Baptiste-Marie Pierre, Mercure, amoureux de Hersé, change en pierre Aglaure qui voulait l'empêcher d'entrer chez sa soeur (1763), huile sur bois. Auxerre, musées d'Art et d'Histoire.
Sa formation auprès des meilleurs peintres et sa détermination à se faire connaître lui valent de recevoir le 2ème grand prix de peinture de l'Académie en 1764 et le 1er prix en 1765 sur le sujet : Tullie faisant passer son char sur le corps de son père. Le jury est séduit par la simple figuration d'un geste si violent et de la lisibilité de la composition. François-Guillaume Ménageot (1744-1816) et Jean-Simon Berthélémy (1743-1811), les concurrents de Bardin remporteront le prix les années suivantes.
Jean Bardin, Tullie faisant passer son char sur le corps de son père (1765), huile sur toile. Mayence, Landesmuseum Mainz.
François-Guillaume Ménageot, Tullie faisant passer son char sur le corps de son père (1765), huile sur toile. Nançy, musée des Beaux-Arts.
Jean-Simon Berthélémy, Tullie faisant passer son char sur le corps de son père (1765), huile sur toile. Paris, collection particulière.
Jean Bardin se perfectionnent à l'Ecole royale des élèves protégés auprès de Louis-Michel Van Loo (1707-1771). Ses premiers tableaux attirent l'oeil et lui valent ses premières commandes : Martyre de Saint Barthélémy commandée par le comte d'Artois en 1765. Cette oeuvre a été redécouverte en 2017, lors de la restauration de l'église de Mesnil-le-Roi. Et Education de la Vierge commandée pour la cathédrale de Bayonne en 1768.
Jean Bardin, Homme debout de dos, les bras levés (1765-1768), sanguine sur papier beige. Paris, Beaux-Arts de Paris.
Jean Bardin, Homme assis de face, jambe gauche pliée (1765-1768), pierre noire et rehauts de craie blanche sur papier bleu (oxydé). Paris, Beaux-Arts de Paris.
Jean Bardin, Saint Charles Borromée donnant l'eucharistie aux pestiférés (étude) (1767), plume et encre noire, lavis brun sur papier vélin, mise au carreau à la pierre noire. Orléans, musée des Beaux-Arts.
Jean Bardin, Lucius Albinus cédant son char aux vestales, qu'il rencontre chargées de vases sacrées (vers 1768), huile sur papier marouflé. Paris, collection particulière.
Jean Bardin, Le Martyre de Saint-Barthélémy (1765), huile sur toile. Mesnil-le-Roi, église paroissiale Saint-Vincent.
Jean Bardin, l'Education de la Vierge (1768), huile sur toile. Bayonne, cathédrale Sainte-Marie, chapelle Sainte-Anne.
Jean Bardin quitte Paris pour Rome, en compagnie de son élève Jean-Baptiste Regnault (1754-1829). Jean Bardin réside à l'Académie de France à Rome dans le palais Mancini. Le directeur, Charles-Joseph Natoire (1700-1777), témoigne de sa bonne conduite et de ses progrès.
Jean-Baptiste Regnault, Académie d'homme (vers 1768-1772), huile sur toile. Orléans, musée des Beaux-Arts.
Jean Bardin, Bacchanale, dite aussi Le Retour des vendangeurs (1768-1772), plume et encre noire, lavis brun sur papier. Besançon, bibliothèque municipale.
De retour en France, Jean Bardin déploie un répertoire de sujets à l'antique inspirés de son voyage. Vestales et sujets mythologiques répondent à un goût pour le dessin d'invention, en plein essor dans les années 1770. En 1776, dans le salon des Grâces du Colisée à Paris, dans les jardins des Champs-Elysées a lieu sa première exposition qui révèle une sélection d'oeuvres produites depuis 1773. La diversité témoigne de son envie de conquérir le public et de montrer la diversité de son talent. Malgré ses 44 ans, la critique est impressionnée par les dons de Jean Bardin. Sa solide réputation fait que beaucoup d'amateurs, jusqu'au prince Albert-Casimir de Saxe-Taschen et son épouse cherchent à posséder ses feuilles.
Jean Bardin, L'Enlèvement des Sabines (1773), pierre noire et rehauts de craie blanche sur papier vergé. Collection particulière.
Jean Bardin, La Maladie d'Antiochus découverte par le médecin Erasistrate (1773), plume et encre noire, lavis d'encre brune et rehauts de gouache blanche sur papier préparé en bleu. Orléans, musée des Beaux-Arts.
Jean Bardin, La Maladie d'Antiochus découverte par le médecin Erasistrate (1774), plume et encre noire, lavis gris et rehauts de gouache blanche sur papier préparé en bleu. Montbard, musée Buffon.
Jean Bardin, Le Corybante dansant (1776), plume et encre noire, lavis gris, rehauts de gouache blanche sur papier beige. Paris, collection particulière.
Jean Bardin, Le Sommeil d'Endymion (1776), plume et encre noire, lavis gris, rehauts de gouache blanche sur papier gris. Vienne (Autriche), Albertina.
Jean Bardin, Salomon sacrifiant aux idoles (1777), plume et encre noire, lavis gris et rehauts de gouache blanche sur un tracé à la pierre noire, sur papier vergé. Orléans, musée des Beaux-Arts.
Jean Bardin, Allégorie des Arts libres (1779), plume et encre noire, lavis brun et rehauts de blanc sur papier. Vienne (Autriche), Albertina.
Longtemps limitée à des fonctions expérimentales (études, modèles, projets), la composition d'invention devient une pratique artistique recherchée au XVIIIe. L'instauration d'un Salon, au palais du Louvre, en 1737 a permis aux peintres d'exposer ces dessins et deviennent des objets de prestige. Ils rentrent dans les cabinets d'amateurs. Les dessins d'invention sont réalisés avec de la pierre noire, sanguine, craie blanche, lavis et gouache. Ils sont réalisés sur du papier teinté ou lavé, le plus souvent en bleu, afin de ressortir la gouache blanche. Cette manière de peindre en dessinant a permis à Jean Bardin et des contemporains (Jean-Jacques Lagrenée (1739-1821), Jacques Gamelin (1738-1803)) d'avoir du succès auprès des collectionneurs.
Jean-Jacques Lagrenée, L'Annonce aux bergers, plume et encre noire, lavis d'encre noire, rehauts de gouache blanche sur papier préparé en bleu. Paris, Galerie Eric Coatalem.
Jacques Gamelin, Alexandre et les captives, plume et encre noire, lavis gris, gouache blanche et bleue, sur papier vergé préparé en bleu marouflé sur toile. Montpellier, musée Fabre.
Jean Bardin est agréé par l'Académie royale de peinture et de sculpture. Il peut ainsi exposer au Salon tous les deux ans. Ce statut renforce sa renommée et le désigne pour des commandes d'envergure de la direction des Bâtiments du roi ou de la Cour. Son ambition de peintre d'histoire est couronnée de succès.
Jean Bardin, La Résurrection du Christ (1780), huile sur toile. Charmentray (Seine-et-Marne), église de la Sainte-Trinité.
Jean Bardin, Herminie pleurant Tancrède blessé (années 1780), plume et encres noire et brune, lavis d'encre noire mélangé de gouache blanche, lavis brun, rehauts de gouache blanche, sur papier vergé préparé en bleu. Orléans, musée des Beaux-Arts.
Jean Bardin, Ecce Mater tua (1784), pierre noire et craie blanche sur papier vergé. Orléans, musée des Beaux-Arts.
Jean Bardin, La Promenade de Téthys (1787), plume et encre noire, lavis brun et gris, rehauts de gouache, d'aquarelle et de sanguine, sur traces de pierre noire reprises à la plume et encre noire, sur papier vergé beige. Collection particulière. En dépôt au musée Jenisch, Vevey (Suisse).
Jean Bardin, Le Triomphe d'Amphitrite (vers 1787), plume et encre brune, lavis brun, lavis de sanguine et rehauts de gouache blanche sur papier vergé. Paris, Galerie Didier Aaron.
Le 26 Janvier 1782, l'Académie confirme son intégration en validant l'esquisse de son morceau de réception représentant Mars et Vénus. En 1756, âgé de 53 ans, Jean Bardin est désigné pour diriger l'Ecole gratuite de dessin fondée à Orléans. Son succès auprès des collectionneurs ne faiblit pas et son arrivée à Orléans comme professeur de dessin amplifie le désir des amateurs d'acquérir ses feuilles.
Jean Bardin, Mars sortant des bras de Vénus pour aller à Troie (1782), huile sur toile. Orléans, musée des Beaux-Arts.
L'église de la chartreuse de Valbonne (Gard) vient d'être achevée lorsque Jean Bardin reçoit la commande d'un cycle monumental des sept Sacrements. Destinées à agrémenter le haut des murs de la nef ainsi que le parement au-dessus de l'entrée, ces 7 toiles de 5 mètres de large chacune restent le testament du peintre, qui y passe plus de 10 ans. Ce cycle est montré presque pour la première fois et se trouve dans le réfectoire de la chartreuse de Aula Dei à Saragosse en Espagne, où les chartreux se sont installés en 1905.
Je n'ai pas pris en photo la totalité du cycle, il manque : l'Ordination (1786) et le Mariage (1790-1791).
La création de l'école gratuite de dessin est initié par le collectionneur Aignan-Thomas Desfriches (1715-1800), accompagné par le comte André Gaspard Parfait De Bizemont-Prunelé (1752-1837). Jean Bardin est nommé directeur-professeur de l'Ecole. Cette fonction lui assure un salaire régulier qui lui permet de continuer à exposer au Salon. Ca le conduit aussi à ouvrir en 1799 un premier Muséum, réunissant des tableaux anciens pour développer le goût et fournir des modèles aux élèves (académies d'homme, têtes d'expression). Le marchand d'art Alexandre-Joseph Paillet (1783-1814) fit de nombreux dons à l'école.
Charles Nicolas Cochin (1715-1790), portrait d'Aignan-Thomas Desfriches (1755), crayon graphite et sanguine sur papier vergé crème. Orléans, musée des Beaux-Arts.
M. de Lafond, portrait d'André Gaspard Parfait de Bizemont-Prunelé (vers 1785), pierre noire, plume et encre noire, lavis gris et aquarelle sur papier vélin. Orléans, musée des Beaux-Arts.
Anonyme, Académie d'homme agenouillé, sanguine sur papier vergé beige. Orléans, musée des Beaux-Arts.
Charles-Joseph Natoire (1700-1777), Académie d'homme, pierre noire et rehauts de craie blanche sur papier vergé beige. Orléans, musée des Beaux-Arts.
Jean-Baptiste Blondelet, d'après Gilles Demarteau, Etude de deux mains jointes (1803-1804). Orléans, musée des Beaux-Arts.
Anonyme, Tête d'homme barbu de profil à droite, contre-épreuve de sanguine sur papier bleu. Orléans, musée des Beaux-Arts.
Son fils cadet, Etienne Alexandre (1774-1840), s'engage dans la Révolution et est nommé adjudant-major en 1792. Il continue dans l'armée napoléonienne comme colonel et il réformera à partir de 1811 le costume des soldats en faisant appel à des peintres.
Ambroise Marguerite Bardin, portrait d'Etienne Alexandre Bardin (1842), lithographie. Orléans, musée des Beaux-Arts.
Etienne Alexandre Bardin, Réglement sur l'habillement, la coiffure, les marques distinctives,... (1812) tome 3 : dessins faisant suite au réglement sur l'habillement. Paris, musée de l'armée.
Sa fille Ambroise Marguerite (1768-1842), épouse du sculpteur Pierre-François Mollière (1753-1814), pratique la gravure et le pastel.
Ambroise Marguerite Bardin, Autoportrait de l'artiste peignant son père, le peintre Jean Bardin (1791), pastel sur papier marouflé sur toile. Orléans, musée des Beaux-Arts.
Pierre-François Mollière, Assiette (entre 1794 et 1814), porcelaine dure, émaux de petit-feu. Orléans, Hôtel Cabu, musée d'histoire et d'archéologie.
Ambroise Marguerite Bardin d'après Jean Bardin, L'exercice de Diane / L'Amour guerrier (vers 1783-1785), gravure au pointillé. Paris, Bibliothèque nationale de France.
La dernière oeuvre connue de Jean Bardin date de 1803. Son élève préféré Jacques Salmon (1781-1855) lui succède à sa place de professeur de dessin. Le paysagiste Gabriel Rabigot (1753-1834) le rejoint en 1814 comme suppléant. En 20 ans, Jean Bardin a livré en héritage à Orléans deux de ses principales institutions culturelles : l'actuelle Ecole Supérieure d'Art et de Design, ainsi que le musée, inauguré en 1825 dans sa forme définitive par le comte de Bizémont.
Jean Bardin, Le Sacrifice offert à Diane après une chasse (vers 1800), plume et encre noire, lavis gris et brun-gris, gouache blanche, sur papier vergé. Paris, Galerie Paul Prouté.
Jean Bardin, Flore (1803), plume et encres brune et noire, lavis gris, aquarelle et rehauts de gouache blanche sur papier vergé. Paris, collection particulière.
Anonyme, Portrait de Gabriel Rabigot et de deux artistes orléanais (vers 1815), pierre noire sur papier vergé collé en plein sur carte. Orléans, musée des Beaux-Arts.
Gabriel Rabigot, Intérieur de l'Ecole gratuite de dessin d'Orléans (1817), huile sur toile. Orléans, musée des Beaux-Arts.
J'ai apprécié découvrir ce peintre à travers ses oeuvres monumentales et ses dessins de format classique. Le catalogue de l'exposition : "Jean Bardin (1732-1809), le feu sacré, Ed. Le Passage, 2022, (204 p.)" est un gros livre, imprimé sur du papier glacé qui reflète bien les oeuvres. Il reprend la chronologie de l'exposition. Plusieurs oeuvres sont en double page et parfois des détails d'oeuvres sont en pleine page ce qui les met très en valeur. Malheureusement, il n'y a pas d'index des oeuvres reproduites.