L'année dernière, le musée du Louvre exposa pendant 6 mois des oeuvres du musée de Capodimonte en parallèle de ses collections. Une soixantaine d'oeuvres étaient réparties dans différentes salles du Louvre de manière chronologique. Je vous en fais un résumé d'après les panneaux explicatifs de l'exposition et les oeuvres majeures.
Fulvio Orsini (1529-1600) fut responsable de la bibliothèque des Farnèse à partir de 1558, à Rome. En tant que grand collectionneur, il posséda les meilleurs cartons que conserve le Museo di Capodimonte. Il légua sa collection à son neveu, le cardinal Odoardo Farnese (1573-1626). Puis Charles III d'Espagne avait recueilli la succesion des Farnèse, les cartons furent portés à Naples.
Les cartons italiens du Louvre proviennent du cabinet du roi, des saisies des biens des Emigrés en 1793, des prises militaires en Italie avant 1802, d'un achat du musée en 1850 et de la donation d'Edmond de Rotschild en 1935.
Michel-Ange (1475-1584) ou artiste toscan de la première moitié du du XVIe siècle, d'après Michel-Ange, Tête d'homme. Pierre noire, estompe, partiellement piqué et incisé pour le report et le transfert. Musée du Louvre
Qu'est-ce-qu'un carton ? Le terme de "carton" désigne un dessin fait aux mesures d'une peinture à exécuter. Il sert à reporter la composition conçue par l'artiste sur le support de celle-ci. Ils ont été très tôt prisés par les collectionneurs.
Comment l'artiste passe du carton à la peinture ? Les cartons sont exécutés soit à la plume, à l'encre et au lavis pour les plus petits, soit au fusain et/ou à la pierre noire, parfois rehaussés de blanc, pour les plus grands sur autant de feuilles de papier que nécessaire afin de couvrir la surface de l'oeuvre achevée. Les cartons servent à reporter le dessin sur la surface à peindre. Ce report est fait soit au spolvero (à la poussière), soit à la pointe.
Raphaël (1483-1520), L'Annonciation. Plume et encre brune, lavis brun/beige, pierre noire, stylet, règle et compas, sur deux feuilles de papier, piqué pour le report. Musée du Louvre.
Raphaël (1483-1520), Sainte Apolline ou Sainte Catherine. Plume et encre brune, lavis brun clair, tracé préparatoire à la pierre noire, rehauts blancs, mis au carreau à la pierre noire, incisé au stylet et piqué pour le transfert. Musée du Louvre.
Raphaël (1483-1520), Tête de jeune homme. Fusain et pierre noire, sur trois fragments de feuilles de papier beige assemblées, contours piqué pour le report. Musée du Louvre.
Francesco Ubertini di Bacchiacca (1494-1557), Benjamin conduit vers Joseph et Benjamin et ses frères aux pieds de Joseph, implorant sa miséricorde. Fusain et pierre noire, estompe, lavis gris, rehauts blancs, sur sept fragments de feuilles lavées gris collées ensemble, piqué pour le report. Musée du Louvre.
Piero Bonaccorsi, dit Perino del Vaga (1501-1547), Tête de femme (la Vierge ?). Pierre noire, retouchée avec un fusain sur une feuille de papier jaunie. Musée du Louvre.
Atelier de Raphaël - Giulio Pippi dit Giulio Romano (1492/99-1546), La Modération. Pierre noire, estompe, rehauts à la craie blanche sur vingt-cinq feuilles assemblées., piqué pour le report et repassé au stylet. Musée du Louvre.
Pour procéder au report au spolvero, l'artiste piquète avec une aiguille les contours des motifs à reporter. Il applique son carton sur la surface à peindre et tamponne les parties piquetées avec la ponce (sac de tissu lâche empli d'une fine poussière sombre). La poussière passe à travers le tissu et se dépose sur la surface à peindre. Le carton enlevé, le dessin apparaît en pointillé.
Raphaël, Tête d'un évêque. Fusain et traces de poncif, rehauts de craie blanche, papier beige. Musée du Louvre.
Le passage de la ponce sur le carton, le salit et l'abrase. Pour éviter cela, le peintre applique souvent son carton, sur un autre assemblage de feuilles restées vierges qui va servir de carton de substitution.
Giulio Pippi, dit Giulio Romano, Bacchantes, faune, petit satyre et putto dansant. Plume et encre brune, lavis brun, sur deux feuilles de papier beige collées ensemble. Piqué pour le report et passé à la ponce. Musée du Louvre.
Le peintre peut aussi obtenir le report du dessin en frottant son verso avec un charbon de bois ou de la poudre noire, puis en repassant les motifs du recto avec une pointe sèche ou stylet quand le carton est appliqué sur la surface à peindre. La pression exercée par la pointe au recto pousse la matière sombre du verso vers la surface à peindre, provoquant ainsi le transfert du dessin.
artiste italien du XVIe siècle d'après Raphaël et son atelier, La Madone de l'Amour divin. Fusain, rehauts à la craie blanche, contours repassés au stylet, sur sept feuilles de papier blanc jaunies. Naples, Museo di Capodimonte.
Le coeur des collections du musée de Capodimonte provient d'un ensemble d'oeuvres d'art transmis par Elisabeth Farnèse (1692-1766) à son fils Charles de Bourbon (1716-1788) quand il accède au trône de Naples en 1734. Cet ensemble a été formé pendant deux siècles par le pape Paul III Farnèse (1468-1549), son petit-fils le cardinale Alexandre Farnèse (1520-1589) et leur descendants. Cette collection princière est abritée dans les palais de la famille à Rome, Parme et Plaisance.
Guglielmo della Porta (1515-1577), buste de Paul III avec chape (1546-1549), marbre, albâtre égyptien. Naples, museo di Capodimonte.
Titien (1490-1576), Portrait du pape Paul III, tête nue (1543), huile sur toile. Naples, museo di Capodimonte.
Titien (1490-1576), portrait du cardinal Alexandre Farnèse (1545-1546), huile sur toile. Naples, museo di Capodimonte.
Greco (1541-1614), Portrait de Giulio Clovio (1571-1572), huile sur toile. Naples, museo di Capodimonte.
Ceylan fabrication cingalo-portugaise, paire d'éventails (seconde moitié du XVIe sècle), ivoire, argent, saphir. Naples, museo di Capodimonte.
Manno di Bastiano Sbarri (1536-1576) - Giovanni Bernardi (1494-1553), Cassette Farnèse (1548-1561), argent doré, repoussé et ciselé, cristal de roche gravé, émail, lapis-lazuli. Naples, museo di Capodimonte.
Bartolomeo Schedoni (1578-1615), L'Aumône de sainte Elisabeth de Hongrie (1611), huile sur toile. Naples, museo di Capodimonte.
Giovanni Lanfranco (1582-1647), Madeleine portée au ciel par des anges (1616-1617), huile sur toile. Naples, museo di Capodimonte.
Charles de Bourbon décide de rassembler la collection Farnèse répartie à Rome, Plaisance et Parme, dans la capitale de son royaume. En 1758, il fait transporter peintures, livres et monnaies dans sa résidence à Capodimonte, récemment construite dans un vaste parc.
Antonio Joli (1700-1777), Départ de Charles de Bourbon pour l'Espagne vu de la terre (1759), huile sur toile. Naples, museo di Capodimonte.
Antonio Joli, Départ de Charles de Bourbon pour l'Espagne vu de la mer (1759), huile sur toile. Naples, museo di Capodimonte.
Anton Raphael Mengs et atelier (1728-1779), Portrait du roi Charles III de Bourbon (1774), huile sur toile. Naples, museo di Capodimonte.
Pierre Jacques Volaire (1729-1799), L'éruption du Vésuve depuis le pont de la Madeleine (1782), huile sur toile. Naples, museo di Capodimonte.
Alexandre Hyacynthe Dunouy (1757-1841), Vue de Naples depuis Capodimonte (1813), huile sur toile. Naples, museo di Capodimonte.
Charles de Bourbon édifie le théâtre San Carlo en 1737, ainsi que la manufacture royale de porcelaine de Capodimonte, dans le parc du palais. Naples s'élève au rang de capitale de l'Europe des Lumières. Après son départ pour l'Espagne en 1759, son fils Ferdinand IV poursuit la lancée et fonde à Portici, la Real Fabbrica Ferdinandea (1771-1806). Cette manufacture royale produit de prestigieux services de table qui envahissent les tables des cours européennes.
Antonio Joli, Ferdinand IV à cheval avec la cour (vers 1760-1761), huile sur toile. Naples, museo di Capodimonte.
Real Fabbrica della porcellana di Napoli - Filippo Taglioni, Quatre grandes têtes en demi-buste, biscuit de porcelaine (1782-1785) / paire de Centaures chevauchés par Cupidon (1785-1795) // Giacomo Milani et ses collaborateurs, Service des Vues de Naples, dit de l'Oie (1793-1795) / Six rafraîchissoirs / Six glacières, avec bouton du couvercle en forme de télamon égyptien, porcelaine tendre peinte et dorée. Naples, museo di Capodimonte.
Real Fabbrica della porcellana di Capodimonte, Gaetano Fumo, Six chandeliers provenant de la parure d'autel de Charles de Bourbon, porcelaine tendre blanche (1745-1750). Naples, museo di Capodimonte.
Real Fabbrica della porcellana di Napoli - Filippo Tagliolini, La Chute des Géants (1785), biscuit de porcelaine. Naples, museo di Capodimonte.
Au tournant du XVIIIe et XIXe siècle, les invasions des troupes françaises et le règne de Joseph Bonaparte bouleversent la vie du royaume. Joachim Murat, roi de Naples de 1808 à 1815 s'installe à Capodimonte. Ferdinand de Bourbon (Ferdinand Ier des Deux-Siciles), de nouveau sur le trône fait déplacer les collections vers le Palazzo degli Studi, situé en ville, pour fonder un grand musée.
Joos van Cleve (1485-1540), Triptyque : l'Adoration des Mages (vers 1525), huile sur panneau. Naples, Museo di Capodimonte.
Atelier napolitain / manufacture Vauchelet (Paris), Deux fauteuils avec vues de Paris (1812-1814), bois sculpté, peint et partiellement doré, velours peint. Naples, museo di Capodimonte.
Colantonio (1420-1470) , le maître de la Renaissance : il fut le maître d'Antonello de Messine et le peintre le plus important à Naples sous les règnes du roi René d'Anjou et du souverain d'Aragon (Alphonse le Magnanime). Son style qui est proche de la peinture flamande, témoigne du rôle de Naples comme lieu de production artistique majeur pour le développement de la Renaissance en Italie du Sud.
Colantonio, Saint Jérôme dans son cabinet (1444-1450), huile sur panneau. Naples, museo di Capodimonte.
Colantonio, Retable de saint Vincent Ferrier (1456-1458), huile sur panneau. Naples, museo di Capodimonte.
Au Louvre, la collection des peintures italiennes du XVe siècle n'est pas très riche. Le prêt d'un des plus ambitieux tableaux de Giovanni Bellini (1430-1516) vient enrichir l'image du peintre vénitien donnée au Louvre.
Giovanni Bellini, Transfiguration (vers 1478-1479), huile sur panneau. Naples, museo di Capodimonte.
Représentation de l'humanisme de la Renaissance : le Portrait de Luca Pacioli avec un élève contient beaucoup de références à la culture scientifique de l'époque. L'auteur est considéré comme étant Jacopo de Barbari, artiste vénitien proche de d'Albrecht Dürer, mais d'autres noms ont été proposés.
Attribué à Jacopo de Barbari (1475- vers 1516), Portrait de Luca Pacioli avec un élève (1495), huile sur panneau. Naples, museo di Capodimonte.
Lorenzo Lotto (vers 1480-1556), Portrait de Bernardo de Rossi, évêque de Trévise (1505), huile sur panneau. Naples, museo de Capodimonte.
Francesco Mazzola, dit Parmesan (1503-1540), Portrait de jeune femme, dite Antéa (vers 1535), huile sur toile.
Tiziano Vecello, dit Titien (1490-1576), Danaé (1544-1545), huile sur toile. Naples, museo di Capodimonte.
Girolamo Mazzola Bedoli (vers 1500-1569), L'Annonciation (1555-1560), huile sur toile. Naples, museo di Capodimonte.
Chefs-d'oeuvre d'Annibal Carrache (1560-1609) : Hercule à la croisée des chemins, exécuté en 1596 à la demande du cardinal Odoardo Farnèse pour son palais à Rome, aujourd'hui siège de l'ambassade de France et Pietà résument l'art d'Annibal Carrache qui a structuré le regard des Français sur l'art italien jusqu'à aujourd'hui.
Annibal Carrache, Hercule à la croisée des chemins (1596), huile sur toile. Naples, museo di Capodimonte.
Caravage (1571-1610) à Naples : le peintre commença sa carrière à Rome, accusé de meurtre il fuit à Naples. La Flagellation peinte en 1607 pour l'église San Domenico Maggiore est une oeuvre de sa période napolitaine. Caravage a bouleversé l'histoire de la peinture avec sa maîtrise du clair-obscur. Il a marqué les artistes napolitains du XVIIe siècle comme Lionello Spada ((1576-1622).
Le tableau de Guido Reni (1575-1642) fait partie des oeuvres très prisées et recherchées par les souverains et collectionneurs français des XVIIe et XVIIIe siècles. il est en parallèle d'une oeuvre plus réaliste, inspirée de Caravage.
Artemisia Gentileschi (1593-1652), Judith décapitant Holopherne (vers 1612-1617), huile sur toile. Naples, museo di Capodimonte.
Un Espagnol à Naples : Le peintre espagnol Jusepe de Ribera (1591-1652) fit l'essentiel de sa carrière à Naples. Ses oeuvres sont d'habitude dans les salles espagnoles ; les toiles prêtées par le Capodimonte donnent un ton expressionniste, sombre et dramatique. Apollon et Marsyas fut repris 20 ans plus tard par Luca Giordano (1634-1705).
Jusepe de Ribera , Saint Jérôme et l'ange du Jugement (1626), huile sur toile. Naples, museo di Capodimonte.
Le baroque napolitain : deux grandes natures mortes contraste avec La Madone au baldaquin de Luca Giordano. Cet ensemble rappelle l'accrochage des salles de peintures baroques au musée de Capodimonte.
Giuseppe Recco (1634-1695), Nature morte avec poissons et autres créatures marines (1671), huile sur toile.
Abraham Brueghel (1631-1697) - Giuseppe Ruoppolo (1630-1710), Nature morte avec fruits et fleurs (1680-1685), huile sur toile. Naples, museo di Capodimonte.
Luca Giordano, Notre-Dame du Rosaire ou La Madone au baldaquin (vers 1685), huile sur toile. Naples, museo di Capodimonte.
L'héritage de Caravage : Au XVIIe siècle, Naples est une des villes les plus peuplées d'Europe, malgré l'éruption du Vésuve en 1631 et l'épidémie de la peste de 1656. Naples est un foyer artistique majeur. Caravage et Ribera nourrissent l'inspiration d'artistes nés dans la région de Naples. Le plus réputé est Mattia Preti (1613-1699) surnommé le Cavalier Calabrais qui séjourne à Naples de 1653 à 1661 après Rome et avant Malte.
Cette exposition fut intéressante, même si c'était compliquée de s'y retrouver dans la Grande Galerie avec les oeuvres de Naples mêlées à celles du Louvre. Ca donne très envie d'aller à Naples pour découvrir toute la collection du Capodimonte. On retrouve toutes les oeuvres de l'exposition dans le catalogue : "Naples à Paris - Le Louvre invite le musée de Capodimonte, Ed. musée du Louvre/Gallimard, 2023, (320 p.)". C'est un très gros livre (30x23 cm) imprimé sur du papier recyclé de couleur jauni. La reproduction des oeuvres n'est pas nette. On a l'impression de voir des vieilles reproductions. Et ce n'est pas simple de s'y retrouver :l'index des oeuvres est donné selon la répartition dans les salles d'exposition qui ne correspond pas au sommaire du catalogue.